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La culture polynésienne, ma première passion!!!


-Pouvez-vous vous présenter?


Ia ora na (« Bonjour » en tahitien),

Je m’appelle Poerani TEHUIOTOA, élue 1ère « Miss TATAU », (nom donné à la gagnante) « INK GIRL Tahiti 2019 »à l’occasion de la dernière convention du tatouage internationale à Tahiti en Polynésie Française 2019.

Je suis née à Raiatea, qui fait partie des îles sous-le-vent de l’archipel de la Société, je vis à Tahiti depuis plus de 20 ans où j’ai créé mon Institut de Beauté.


-Pour quelle raison avez-vous eu envie de vous tatouer ?


Fascinée par le tatouage depuis mon plus jeune âge, mon oncle « TAVITA MANEA »tatoueur, m’a enseigné les valeurs du tatouage dans la culture polynésienne. « Le tatouage polynésien vient de nos ancêtres. Chaque motif a sa signification propre et une place prédéfinie sur le corps ».

Il a suscité en moi ce désir profond de me faire tatouer. J’ai longtemps imaginé, pensé, rêvé à ce que je souhaiterai « encrer » sur ma peau.

J’ai décidé de relier mon histoire et celle de mes ancêtres en couvrant une grande partie de mon corps en cohérence avec ma personnalité.


-Que ressentez vous vis à vis du regard des gens ?


Depuis que mon parcours au tatouage à été diffusé sur les réseaux sociaux, tout a prit un engouement. J’ai appris que l’on m’avait surnommé « La Maso Amazone » (en référence au masochisme et aux amazones j’imagine), j’ai trouvé cela amusant, même si je tiens à préciser que je ne ressens aucun plaisir à la douleur. J’ai simplement souhaité voir jusqu’où je pouvais pousser mes limites.


-Pouvez-vous nous décrire vos plus belles pièces ?


Mon tatouage représente mon arbre généalogique et avec mon tatoueur, nous avons décidé d’une structure en armure et d’une symétrie avec un graphisme 100% polynésien.

Mon tatouage commence par une jambe pour chaque lignée :

La droite est dédiée à mon paternel symbolisant la force de sa jambe d’appui en tant que boxeur ;

La gauche est du côté maternel, du cœur, pour avoir été bercée par son amour et pour tout les sacrifices qu’elle a dû faire en tant que mère.

On peut y retrouver des motifs symboliques tels que le fouet, l’œil et la lignée du guerrier, l’appartenance à la terre, à la mer, la force, les boussoles et le lien de la famille.

Sur chaque épaule se trouvent les deux faces du profil de ma fille « TIKIRANI », signifiant « 1ère divinité du ciel ».

Sur mon dos est symbolisé « ETUAKI »,le dieu des cultes polynésiens protecteur des âmes.

Sur mes clavicules, une cape, sur mes avants bras les boucliers de protection et les armes dont les ancêtres se servaient pour combattre.

Après trois mois de pause tatouage depuis l’élection « Miss TATAU, Miss INK GIRL Tahiti 2019 », nous reprenons enfin les sessions.

Une « TIARE ÀPETAHI », cette fleur endémique de mon île natale, Raiatea, posée sur le bas de mes reins pour relier les deux lignées de mon arbre généalogique. Elle éclot à minuit sur le mont Temehani, ce mont est représenté sur mon fessier.

Nous poursuivrons avec la ceinture « Maro ùra »représentant également les entrailles pour les nombreuses heures de travail passé à enfanter ma fille « TIKIRANI ».

Tout comme la douleur au tatouage, cette douleur là aussi, une mère n’oublie jamais.

Puis le cou, la dernière pièce qui me rappellera de garder toujours la tête haute quelle que soit la difficulté à surmonter.


-Que représentent-ils pour vous dans les grandes lignes ?


J’ai décidé que le tatouage me permettrait d’exorciser tout ce que j’avais accumulé de douloureux tout au long de mon existence, des événements violents qui auraient pu détruire ma vie de femme. Entre outrage sexuel, suicide d’un amour de jeunesse, cancer du sein après être devenue maman… ces épreuves ont fait de moi la femme forte que je suis devenue aujourd’hui.

Ces expériences de la vie démontrent qu’on a toujours le choix et la capacité de surmonter nos échecs. De transformer nos faiblesses en force et d’en tirer des leçons pour évoluer positivement.

Le tatouage m’a permis de comprendre que le corps humain est une machine vivante avec un moteur puissant. Une volonté incommensurable dans lequel on pouvait puiser son énergie à la seule force de son mental.


-Quelles sont pour vous vos références dans le milieu du tatouage ?


Une fois le style identifié, je me suis mise en quête de trouver le tatoueur qui maîtriserait le mieux le« Patutiki Black Polynesian ».

En avril 2019, je suis allée à la rencontre de celui qui remportait les meilleurs prix des concours dans ce style « PATU MAMATUI TAMATA », un tatoueur renommé.

Jeme demandais s’il serait d’accord et surtout s’il pouvait me faire de grandes pièces. En lui contant mon histoire, cette puissante connexion nous a permis d’élaborer ce projet.

Il a alors accepté mais seulement si je pouvais le représenter au concours de « Miss TĀTAU - Miss INK GIRL Tahiti 2019 » et qui aboutirait potentiellement, à la participation au concours de « Miss INK GIRL France 2020 ».

En effet, il attendait un modèle qui oserait se faire tatouer presque tout le corps.

J’ai été très surprise de cette proposition car après avoir été plusieurs fois sur des podiums d’élections de beauté, je ne pensais pas devoir remonter sur scène à 36 ans !

Très attentive aux signes de la vie, j’ai suivi mon instinct et accepté en me disant que j’y allais pour tout ce que le tatouage représentait pour ma culture. J’ai donc le privilège d'avoir été choisie comme Égérie de l’équipe « Tattoo by PATU », l'une des meilleures références polynésiennes en matière de tatouage.



-Est-ce pour vous une manière de vous démarquer des autres ?


Je ne me suis pas faite tatouer pour me faire remarquer par les autres car j’attache très peu d’importance à ce qu’on pense de moi. Je ne compte pas participer à ce concours pour me montrer présomptueuse, mais bel et bien pour faire valoir l’art et la beauté du tatouage.


-Quel style de tatouage vous correspond le mieux ?


Après avoir assisté à plusieurs événements autour du tatouage, j’ai été naturellement attirée par l’homothétie du tatouage polynésien. Bien que mes origines soient métissées, je m’affirme surtout par mon identité polynésienne. J’ai trouvé le style qui me conviendrait : le« Patutiki Black Polynesian »,se définit par le remplissage de grandes parties du corps avec des motifs ancestraux marquisiens.

Il est important de noter que les Iles des Marquises appartiennent à la Polynésie française, nommée aussi « La terre des hommes » et les tatouages de cette région possèdent des motifs spécifiques qui diffèrent des autres archipels. J’ai choisi ce style de tatouage en hommage à ma grand-mère « Vahinefifi EHUENANA »de l’île de « Fatu Hiva »


-Professionnellement, cela vous pose-t-il problème ?


Je suis passionnée par mon métier, c’est le domaine de l’esthétique. Mon tatouage est logiquement le prolongement de ces deux passions réunies.

Le tatouage polynésien étant assez commun sur notre territoire, il fait partie intégrante de notre culture et surtout est complétement lié à mon projet futur.

Après cet évènement« Miss INK GIRL France », j’ai été solliciter à représenter le tatouage polynésien à plusieurs conventions dans toute l’Europe. Un honneur pour moi d’avoir accepter étant donné que je compte suivre une formation en dermopigmentation réparatrice reconstructrice d’aréole par le camouflage au tatouage, afin d’aider les « amazones » à retrouver une vie meilleure, moi-même ayant été victime puis guérie du cancer du sein.


-Comment votre famille, enfants, amis ont-ils réagi lorsque vous vous êtes tatouée ?


Mes amis m’ont tous soutenu dans ma démarche. Je reconnais que certains ont trouvé que le défi de me faire tatouer le corps en si peu de temps leur a semblé un tour de force.

Mes parents étaient peu emballés par mon projet au début, comme un traumatisme resté dans les mémoires des dernières générations où le tatouage polynésien avait été interdit par la religion et plus tard approprié par les détenus prisonniers.

En voyant l’évolution de mon tatouage, ma mère n’en revenait pas du niveau de douleur que je pouvais supporter. Mon père, lui, avouait être très fier de moi, de la beauté et la qualité du travail effectué sur mon corps : cette approbation parentale m’a profondément touché.

Ma fille de 9 ans, trouve mon tatouage un peu trop imposant. Mon rôle de mère polynésienne est aussi de lui expliquer l’importance du tatouage pour notre culture et pour moi afin de contribuer à son éducation et à l’ouverture de son esprit.


-Avez vous des parties du corps que vous ne tatouerez jamais ?


Mon tatouage a déjà une structure prédéfinie et j’avais dans l’esprit de couvrir 70% à 80% de mon corps à l’exception de mon visage et de mes parties intimes. L’équipe « Tattoo by PATU »séduit par mon projet, s’investit à 100% pour me permettre de le réaliser. Je m’abandonne en totale confiance entre leurs mains d’artistes. Mon tatouage a été réalisé en une fresque harmonieuse respectant les formes de mon corps.


-Que conseillerez-vous aux personnes qui souhaitent faire un premier tatouage ?


A ceux qui veulent franchir le pas, je leur conseille d’être aussi passionné et fasciné que moi dans leur démarche mais à leur façon bien sûr...

« Prenez votre temps, choisissez bien votre style de tatouage, votre tatoueur. Vous avez une histoire à vous, rechercher les motifs qui parle de vos origines ou de là où vous avez décidé d’être, donnez du sens aux dessins. Que votre tatouage ne soit pas seulement esthétique mais en profonde harmonie avec votre âme. Imprégnez-vous des bonnes valeurs qu’un tatouage puisse transmettre. Un bon état d’esprit, une force, une volonté à toujours aller au de-là de ses limites, la patience, une grande sagesse et surtout le respect.

Faites-en sorte de pouvoir toujours être fier de le porter, mettez-y toute votre passion, votre puissance car un tatouage se mérite et vous marque pour la vie. »


-Que diriez vous aux professionnels qui interdisent de dévoiler les tatouages ?


Il n’y a aucune loi qui interdise le travail aux personnes tatouées. Cependant, je peux comprendre certains milieux professionnels qui peuvent la faire appliquée dans un règlement interne de leur entreprise pour éviter de choquer une certaine clientèle.

Mais nous vivons dans un monde où les mentalités ont bien évolué. Et nous personnes tatouées nous pourrions prendre ça pour de la discrimination car tout comme le racisme, la couleur de peau ne devrait jamais être un problème dans la société. Une valeur que le tatouage transmet aux tatoués, l’humilité pour ne jamais se sentir humilié par certains comportements.


-Que représente le tatouage pour vous ?


Mon tatouage a été une révélation. Cette nouvelle femme tatouée que je suis, je l’ai toujours été dans ma tête. En totale harmonie avec mes idées, mes paroles, mes actes et surtout mon nouveau corps.

J’ai souhaité porter cette armure de guerrière pour faire honneur à nos ancêtres polynésiens qui se sont battus pour préserver nos valeurs culturelles. Également pour me rappeler que rien n’est insurmontable aux combats de la vie.

J’ai été orienté vers cet artiste au grand cœur, “PATU”et son équipe que je ne remercierai jamais assez. Ils m’ont sublimés et fait encore mieux que ce que j’ai pu espérer. Ils ont su décrire toute ma personnalité et le retranscrire sur ma peau.

Aujourd’hui, je me sens en totale résonance avec mon passé, mon présent et mon avenir.


-Faites vous attentions à votre peau et aux encres utilisées par vos tatoueurs ?


Nous utilisons de la cosmétique Bio créer localement à base de plantes cicatrisante. J’en suis très satisfaite car ma peau s’est régénérer à une vitesse incroyable grâce aux composants naturels.

J’ai apprécié chaque séance car elles se déroulaient dans une bonne ambiance presque cérémoniale: le rituel de la préparation du matériel, toujours les bons gestes et avec une hygiène irréprochable, ma peau à peine tatoué aussitôt apaisé et nourrit…des petites attentions très agréables qui m’ont permis aussi de tenir jusqu’à 12 heures par séance et 20 jours d’affilés.


-Quelles sont tes passions ?



Ma première passion est la culture polynésienne. Avec ma sœur « Shelby HUNTER », reconnue pour ces multiples talents dans le monde de la mode, de la beauté et du « Òri Tahiti »(danse traditionnelle polynésienne), et moi-même, désormais Ambassadrice du tatouage polynésien, nous sommes fières de représenter une partie de la culture polynésienne et d’être amenée à vous la faire découvrir, le 25 avril 2020 à Blotzheim en Alsace, à l’occasion du concours « INK GIRL France ».

A noter que je suis également passionnée de sport en général et plus particulièrement par le sport en salle.


-Plutôt convention ou shop ?


A ce jour, je suis à 140 heures de tatouage en un peu moins de trois mois. L’équipe de « Tattoo by PATU » a réalisé un travail titanesque en très peu de temps.

Et pour respecter les échéances du concours, nous avons décidés d’organiser une séance à trois tatoueurs avec « HEIPUA, PENIAMINA, et PATU ».

Une session d’émotion intense car j’ai dû faire face à une douleur normalement insupportable jusqu’à ressentir enfin un véritable « lâcher-prise » de tout ce qui m’était arrivé de marquant dans ma vie. Une étrange sensation de se sentir comme libéré de son passé et de pouvoir enfin aller de l’avant !

Malgré la douleur, je suis retourné car je tenais à avoir la griffe de « PARIMA »(4èmetatoueur de l’équipe) « Tattoo by PATU » pour son style réaliste.

La plus grande partie a été réalisée en Shop et quelques motifs, « PATU », mon tatoueur, les a faits à la Convention Internationale du tatouage organisé par « L’Association Polynesia TATAU », juste avant la soirée de notre élection de beauté.


-Le mot de la fin ? Une citation ?


Pour conclure ma présentation, je vous livre ces petites phrases qui montaient en moi pendant ma session à trois tatoueurs :

« Ta force, c’est de pouvoir faire face à la douleur. Ta force ne dépend pas de tes capacités physiques mais de ta volonté à aller au-delà de tes limites. Ta force, tu la puises en toi. »



Poerani, Ink Girl "Tahiti" 2019

Crédit photo: Moana Blackstone Photography


Interview by Christophe Robein

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